Speakers
Monassa Tatian
MCF Université Paris Cité - associé à titre secondaireGrunberg Tristan
Docteur - associé à titre principalCastro Teresa
MCF Université Sorbonne Nouvelle - membre titulaireStart
18 mai 2018
End
18 mai 2018
Au XXe siècle, les théoriciens de la Gestalt ont utilisé le couple figure/fond (figure/ground en anglais, Figur/Grund en allemand) pour désigner une structure élémentaire de la perception qui démontre la nécessaire interdépendance des deux composantes, mais la question du rapport entre figure et fond traverse toute l’histoire des représentations depuis l’art pariétal et la relation subtile établie entre les représentations animales et le relief des parois rocheuses.Au cinéma, la dynamique plastique ou sonore qui établit le rapport réciproque entre ce qui tient lieu de « figure » et ce qui tient lieu de « fond » mérite d’être étudiée de façon plus méthodique et approfondie. Elle s’avère d’ailleurs importante tant pour les théoriciens tels André Bazin (la profondeur de champ), Christian Metz (l’impression de réalité) que pour les cinéastes (Robert Bresson : « La voix est un bruit, le plus sourd qui soit »), même si elle est rarement posée dans les termes exacts d’un rapport entre figure et fond.
Du point de vue de l’histoire des formes filmiques, une réflexion à partir du couple figure/fond soulève des questions touchant aussi bien à la perception spectatorielle qu’aux stratégies de mise en scène ou à la nature même de l’espace plastique et sonore produit par le médium cinématographique. Elle permet d’échapper à une lecture monographique isolant chaque forme filmique (par exemple : gros plan, travelling, montage alterné) pour envisager des relations formelles, avec ce qu’elles entraînent comme processus spécifiques de différentiation, de hiérarchisation, d’hétérogénéisation au cœur de la matière visuelle et sonore.
Plutôt qu’étudier le fond ou la figure, cette journée s’interrogera donc sur les relations – toujours changeantes – que peuvent entretenir ce couple tel qu’il se constitue dans l’objet filmique. Souvent réduit à un simple arrière-plan des figures, à un décor environnant et « second », un son d’ambiance ou un bruit fondamental, le fond aura rarement été interrogé dans la richesse de ses manifestations et apprécié en ce qu’il participe du travail formel du film. D’autre part, la figure, ce catalyseur de l’attention si souvent fétichisé, se redéfinit et se réinvente par ses relations multiples et complexes avec le fond, y compris – peut-être d’autant plus – là où elle affirme toute sa puissance en atteignant la pure sensation (par exemple la « Figure » dont parle Deleuze dans son ouvrage sur Francis Bacon). La figure et le fond, imbriqués de manières extrêmement variées, s’avèrent être un nœud fondamental et même fondateur de la forme du film. Plus encore, ces notions nous poussent à interroger la notion même de forme, là où la confusion, le mélange ou la contamination entre la figure et le fond tendent à mettre à mal l’opposition perceptive simpliste de la Gestalt et à restituer toute sa vivacité au « travail formel » d’un film.