Intérieurs sensibles de Chantal Akerman : films et installations – passages esthétiques
Chantal Akerman est une cinéaste radicale et complète. Des films de fiction et essais documentaires aux installations d’images en mouvement, son art est celui d’une intrépide expérimentation formelle. Cette esthétique du geste expérimental a pour départ un engagement éthique fort. À l’encontre de tout voyeurisme, d’un regard opposé à un autre, Akerman accueille l’autre à l’intérieur de son propre « logis », le loge au sein de sa propre intimité. Le travail sur l’intime du point de vue des expressions formelles, visuelles et sonores, devient un espace possible à partager et à vivre en commun.
Ainsi les notions d’intérieur et d’intériorité sont intimement liées dans l’œuvre d’Akerman à la notion de passage : passages d’un extérieur fixe à une mobilité interne mitigée, d’un espace public à l’espace intime, d’une neutralité factice du cadre aux bouleversements profonds des corps. Le passage du film à l’installation est caractérisé par la même perméabilité des frontières. Comment habiter un espace, l’investir de soi tout en préservant aussi bien sa propre intimité que celle de l’espace lui-même, et celle de l’Autre – d’une autre identité, que ce soit la mère de la réalisatrice dans son dernier film No Home Movie (2015) ou encore ses personnages : de Jeanne Dielman à ceux de Je, tu, il, elle (1974), Toute une nuit (1982) et Histoires d’Amérique (1989) ?
Olga KOBRYN, Macha OVTCHINNIKOVA, Eugénie ZVONKINE (dir.)
2024